Le vicomte de Bragelonne I by Alexandre Dumas

Le vicomte de Bragelonne I by Alexandre Dumas

Auteur:Alexandre Dumas
Format: epub


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Le trésor

Le gentilhomme français que Spithead avait annoncé à Monck, et qui avait passé si bien enveloppé de son manteau près du pêcheur qui sortait de la tente du général cinq minutes avant qu’il y entrât, le gentilhomme français traversa les différents postes sans même jeter les yeux autour de lui, de peur de paraître indiscret. Comme l’ordre en avait été donné, on le conduisit à la tente du général. Le gentilhomme fut laissé seul dans l’antichambre qui précédait la tente, et il attendit Monck, qui ne tarda à paraître que le temps qu’il mit à entendre le rapport de ses gens et à étudier par la cloison de toile le visage de celui qui sollicitait un entretien.

Sans doute le rapport de ceux qui avaient accompagné le gentilhomme français établissait la discrétion avec laquelle il s’était conduit, car la première impression que l’étranger reçut de l’accueil fait à lui par le général fut plus favorable qu’il n’avait à s’y attendre en un pareil moment, et de la part d’un homme si soupçonneux. Néanmoins, selon son habitude, lorsque Monck se trouva en face de l’étranger, il attacha sur lui ses regards perçants, que, de son côté, l’étranger soutint sans être embarrassé ni soucieux. Au bout de quelques secondes, le général fit un geste de la main et de la tête en signe qu’il attendait.

– Milord, dit le gentilhomme en excellent anglais, j’ai fait demander une entrevue à Votre Honneur pour affaire de conséquence.

– Monsieur, répondit Monck en français, vous parlez purement notre langue pour un fils du continent. Je vous demande bien pardon, car sans doute la question est indiscrète, parlez-vous le français avec la même pureté ?

– Il n’y a rien d’étonnant, milord, à ce que je parle anglais assez familièrement ; j’ai, dans ma jeunesse, habité l’Angleterre, et depuis j’y ai fait deux voyages.

Ces mots furent dits en français et avec une pureté de langue qui décelait non seulement un Français, mais encore un Français des environs de Tours.

– Et quelle partie de l’Angleterre avez-vous habitée, monsieur ?

– Dans ma jeunesse, Londres, milord ; ensuite, vers 1635, j’ai fait un voyage de plaisir en Écosse ; enfin, en 1648, j’ai habité quelque temps Newcastle, et particulièrement le couvent dont les jardins sont occupés par votre armée.

– Excusez-moi, monsieur, mais de ma part, vous comprenez ces questions, n’est-ce pas ?

– Je m’étonnerais, milord, qu’elles ne fussent point faites.

– Maintenant, monsieur, que puis-je pour votre service, et que désirez-vous de moi ?

– Voici, milord ; mais, auparavant, sommes-nous seuls ?

– Parfaitement seuls, monsieur, sauf toutefois le poste qui nous garde.

En disant ces mots, Monck écarta la tente de la main, et montra au gentilhomme que le factionnaire était placé à dix pas au plus, et qu’au premier appel on pouvait avoir main-forte en une seconde.

– En ce cas, milord, dit le gentilhomme d’un ton aussi calme que si depuis longtemps il eût été lié d’amitié avec son interlocuteur, je suis très décidé à parler à Votre Honneur, parce que je vous sais honnête homme.



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